Cadres supérieurs et spécialistes: le personnel qualifié et expérimenté est très recherché sur le marché du travail suisse. Quelles compétences sont particulièrement importantes? Est-ce que les technologies disruptives comme les chatbots sont une solution adéquate pour les recruter? Interview d’Erik Wirz, de Management Consulting Wirz & Partners.
Mathias Steger: Quelles sont les tendances actuelles sur le marché de l’emploi suisse?
Erik Wirz: Actuellement, on constate qu’il n’y a pas assez de personnel qualifié sur le marché. La demande excède nettement l’offre. Par ailleurs, il y a toujours moins de candidats qui recherchent activement un emploi. Le sourcing actif, soit la prise de contact directe avec les éventuels candidats, prend de plus en plus d’importance. Nous constatons cette tendance depuis plusieurs années déjà. Outre le sourcing actif, l’échange sans engagement entre le chasseur de têtes et les candidats potentiels gagne aussi en importance. Cet échange se traduit non seulement par une présentation d’un éventuel nouveau travail, mais également par des conseils en ce qui concerne leur carrière.
En tant que chasseur de têtes, vous recrutez avant tout des cadres supérieurs et des spécialistes. Quelles compétences sont particulièrement importantes ?
Outre les compétences techniques (hard skills), les cadres supérieurs doivent être à l’aise avec la numérisation. De nouvelles technologies disruptives apparaissent constamment; il faut absolument les connaître pour assurer le cours des affaires sur le long terme. Par ailleurs, il y a des changements au niveau du leadership. Enfin, les compétences sociales (soft skills) prennent de l’importance quel que soit le secteur d’activité.
Comment les cadres passent-ils de simples boss à leaders?
C’est une question de personnalité et d’éthique. Un leader se démarque par sa façon de respecter les gens, de s’occuper d’eux, de les prendre au sérieux, et voit le potentiel et les points forts de chacun. Il est possible d’acquérir ces qualités avec l’expérience. C’est aussi une question de personnalité. Est-ce qu’on se met constamment en avant ou est-ce qu’on peut être fier d’encourager les personnes qui vont plus loin que nous? Le charisme a aussi son importance. Comment traite-t-on les autres et les clients? À quel point apprécie-t-on le contact, y compris au niveau culturel, et incarne-t-on les valeurs de l’entreprise?
Dans quelle mesure les chatbots peuvent-ils être un soutien au recrutement?
Si l’offre de candidats sur le marché excède la demande, une grande partie de la présélection se fait de façon automatique. Les CV sont alors analysés à l’aide de l’intelligence artificielle et évalués selon des indicateurs précis. Avant ce procédé, de nombreuses entreprises (en particulier les grandes entreprises) utilisent des chatbots, qui posent des questions standardisées aux candidats pour les présélectionner.
Quel type d’entreprises utilisent des chatbots pour leur recrutement?
Ce sont principalement les entreprises qui emploient plusieurs milliers de personnes et qui disposent de processus de recrutement hautement structurés qui utilisent des chatbots. En Suisse, de tels chatbots sont déjà utilisés dans certains secteurs et sur certains marchés. Evidemment, il est plus logique de les utiliser lorsqu’il y a beaucoup de candidats. Le risque est toutefois que ce type de barrières dissuadent les candidats de postuler.
Il arrive souvent que de tels obstacles soient volontaires afin de déterminer le degré de motivation des candidats.
Vous voyez les chatbots comme une barrière supplémentaire?
L’utilisation de chatbots n’est pas toujours suffisamment adaptée à l’entreprise ou au secteur. Toutefois, il arrive souvent que de tels obstacles soient volontaires afin de déterminer le degré de motivation des candidats. Dans un tel contexte, l’utilisation de chatbots est tout à fait justifiée.
Les chatbots seront-ils bientôt utilisés par les PME?
Les chatbots sont très onéreux et manquent souvent de précision. L’un des plus grands défis pour les chatbots – ou pour la présélection automatique en général – est le manque de structure des tâches et du profil requis chez de nombreux postes. En ce qui concerne le recrutement pour les plus petites entreprises qui recherchent des spécialistes, les bots basés sur l’automatisation ne sont pas encore recommandés.
Fort de plus de 20 ans d’expérience dans les domaines de l’IT, du management et du consulting, Erik Wirz a fondé en 2009 l’entreprise de recherche de cadres Wirz & Partners. L’entreprise est spécialisée dans le recrutement de spécialistes et de dirigeants dans les domaines de l’IT et des sciences du vivant.
